Date de publication : 4 janvier 2017
Enfin un vrai premier pas vers l’intégration des médecins dans le système hospitalier
Yanick Labrie, porte-parole du CEPSEM, Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être*
Le docteur Barrette a essuyé sa large part de critiques depuis qu’il occupe le poste de ministre de la Santé. Mais force est d’admettre que son plus récent projet de loi, déposé le mois dernier, qui vise à donner plus de pouvoirs aux directions d’hôpitaux dans l’affectation des tâches des médecins, est un important pas dans la bonne direction. Il viendra enfin mettre en application l’une des recommandations de la Commission Clair émise… il y a plus de 15 ans.
À l’heure actuelle, le statut de travailleur autonome des médecins au Québec fait en sorte qu’ils n’ont pas de compte à rendre aux directeurs des hôpitaux au sein desquels ils exercent, contrairement aux employés salariés. Cela pose un véritable casse-tête aux directions d’établissement qui souhaitent notamment optimiser l’utilisation des salles d’opération, puisqu’elles ne peuvent exiger des médecins qu’ils offrent davantage de disponibilités.
Une fois cette anomalie corrigée, on peut espérer que la réforme du financement à l’activité des hôpitaux, attendue depuis des lunes, pourra enfin voir le jour. On pourra ainsi mettre fin à cette autre incongruité de notre système de santé en vertu de laquelle on pénalise les hôpitaux qui attirent plus de patients, comme ce fut le cas récemment avec le CUSM.
Évidemment, aucune avancée ne pourra être réalisée dans le mode anachronique de financement des hôpitaux sans mise sur pied d’une collecte efficace de données sur le nombre et le coût des interventions réalisées. Contrairement à l’idée fréquemment entendue cependant, les établissements de santé ne sont pas tous dans l’obscurité en matière de données sur les interventions qu’ils réalisent, loin de là. Selon le Dr. Jean Mireault, de la compagnie Logibec, les coûts par patient sont connus depuis longtemps dans un grand nombre d’établissements au Québec, et sont en voie de l’être dans plusieurs autres.
Vers un mode de financement intégré
De plus, loin de partir d’une situation défavorable, le Québec dispose d’une structure depuis la fusion des établissements qui devrait permettre que l’argent suive le patient tout au long de son séjour dans le réseau et pas seulement à l’hôpital (soins de réhabilitation, soins de longue durée, soins à domicile, etc.).
Ce mode de financement qu’on dit intégré (« bundle funding ») a été implanté avec succès dans plusieurs endroits à travers le monde. Le cas de l’Allemagne figure parmi les modèles intéressants à suivre à cet égard. Les médecins œuvrant en milieu hospitalier ont des ententes contractuelles avec les établissements et leur rémunération tient compte d’obligations en matière d’assurance qualité.
Depuis la mise en place de la réforme allemande au milieu des années 2000, on a observé non seulement une hausse du volume d’activités par rapport aux années antérieures mais aussi une hausse de la qualité des soins prodigués. Comme les hôpitaux doivent absorber les coûts liés aux séjours prolongés, aux complications et aux réadmissions, ils ont tout intérêt à chercher à maximiser la qualité et l’efficacité des services offerts aux patients.
Pour qu’une réforme du financement à l’activité amène de tels résultats au Québec, les gestionnaires d’hôpitaux doivent pouvoir assumer pleinement leur rôle et prendre les décisions requises en ce qui a trait à l’affectation des ressources, tant humaines que matérielles, au sein de leur établissement. C’est ce que le projet de loi 130 déposé à la fin de la dernière session parlementaire par le ministre Barrette permettra de faire.
Certes, la réforme risque d’ébranler les colonnes du temple dans le milieu hospitalier, en amenant les médecins à avoir des obligations contractuelles et à rendre des comptes. Mais si elle est bien menée, il s’agira d’un pas substantiel vers l’amélioration de notre système de santé.